L’heure est grave pour les propriétaires de passoires thermiques. Avec l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations, les logements classés F et G sont dans le collimateur. Interdictions de location, obligations de travaux, gel des loyers… Le gouvernement serre la vis pour accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier français. Propriétaires, locataires, professionnels de l’immobilier : tous sont concernés par cette révolution verte qui bouleverse le marché. Décryptage des nouvelles règles qui vont changer la donne.
Le calendrier des interdictions de location pour les passoires thermiques
Les logements énergivores sont désormais dans le viseur des autorités. Un calendrier strict a été mis en place pour progressivement interdire la location des biens les plus énergivores. Dès le 1er janvier 2023, les logements consommant plus de 450 kWh/m²/an d’énergie finale ne peuvent plus être proposés à la location. Cette mesure concerne environ 90 000 logements en France, principalement des passoires thermiques classées G+.
L’étau se resserre ensuite progressivement : au 1er janvier 2025, ce sont tous les logements classés G qui seront interdits à la location. Puis viendra le tour des logements F au 1er janvier 2028. Enfin, les logements classés E seront concernés à partir du 1er janvier 2034. Au total, ce sont près de 5 millions de logements qui sont potentiellement visés par ces interdictions échelonnées.
Pour les propriétaires bailleurs, l’enjeu est de taille. Ils doivent impérativement engager des travaux de rénovation énergétique s’ils souhaitent continuer à louer leur bien. Le non-respect de ces obligations peut entraîner de lourdes sanctions, allant jusqu’à 15 000 euros d’amende. Les locataires peuvent également saisir la justice pour contraindre leur propriétaire à effectuer les travaux nécessaires.
Ce calendrier ambitieux vise à accélérer la rénovation du parc immobilier français, encore très énergivore. Selon l’ADEME, 17% des logements sont classés F ou G. L’objectif affiché par le gouvernement est de rénover 500 000 logements par an d’ici 2024 pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Les nouvelles obligations de travaux pour les copropriétés
Les copropriétés sont particulièrement concernées par les nouvelles réglementations en matière de rénovation énergétique. Depuis le 1er janvier 2023, toutes les copropriétés doivent réaliser un Diagnostic de Performance Energétique (DPE) collectif. Ce document permet d’évaluer la performance énergétique globale de l’immeuble et d’identifier les travaux prioritaires à réaliser.
Pour les copropriétés les plus énergivores (classées F ou G), des obligations de travaux ont été instaurées. Elles doivent élaborer un plan pluriannuel de travaux (PPT) sur 10 ans, visant à améliorer la performance énergétique du bâtiment. Ce plan doit être voté en assemblée générale et mis en œuvre progressivement.
Les copropriétés ont jusqu’au 1er janvier 2024 pour réaliser leur DPE collectif et leur PPT. Passé ce délai, elles s’exposent à des sanctions financières. Le fonds travaux, obligatoire depuis 2017, doit être abondé à hauteur d’au moins 5% du budget prévisionnel annuel pour financer ces travaux de rénovation.
Ces nouvelles obligations visent à accélérer la rénovation des 740 000 copropriétés que compte la France. Selon une étude de l’ANAH, 30% des copropriétés sont considérées comme fragiles énergétiquement. Les travaux à réaliser peuvent être conséquents : isolation des façades et de la toiture, remplacement des fenêtres, modernisation du système de chauffage… Le coût moyen d’une rénovation globale est estimé entre 15 000 et 30 000 euros par logement.
Le gel des loyers pour les passoires thermiques
Autre mesure phare entrée en vigueur : le gel des loyers pour les logements classés F et G. Depuis le 24 août 2022, les propriétaires de ces biens ne peuvent plus augmenter le loyer entre deux locataires ou lors du renouvellement du bail. Cette mesure concerne aussi bien les locations vides que meublées.
L’objectif est double : inciter les propriétaires à rénover leur logement et protéger les locataires contre des hausses de loyer injustifiées pour des logements énergivores. Selon l’ANIL, ce gel des loyers concerne potentiellement 2,6 millions de logements en France.
Pour les propriétaires, l’impact financier peut être significatif. Dans les zones tendues où le marché locatif est dynamique, ils ne peuvent plus profiter de la rotation des locataires pour revaloriser leur loyer. À Paris par exemple, où 26% du parc locatif privé est classé F ou G, la perte de revenus locatifs peut atteindre plusieurs centaines d’euros par an.
Cette mesure s’inscrit dans une logique de « pollueur-payeur » : les propriétaires qui n’ont pas entrepris les travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique de leur bien sont pénalisés financièrement. À l’inverse, ceux qui rénovent leur logement peuvent à nouveau augmenter le loyer, dans la limite des plafonds légaux.
Les aides financières pour rénover son logement
Face à ces nouvelles contraintes, les pouvoirs publics ont renforcé les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique. Le principal outil est MaPrimeRénov’, une aide accessible à tous les propriétaires, qu’ils occupent leur logement ou qu’ils le mettent en location. Le montant de l’aide peut atteindre jusqu’à 20 000 euros pour une rénovation globale.
D’autres aides existent comme l’Eco-PTZ, un prêt à taux zéro pour financer des travaux de rénovation énergétique, ou les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) qui permettent d’obtenir des primes de la part des fournisseurs d’énergie. Les collectivités locales proposent également souvent des aides complémentaires.
Pour les copropriétés, le dispositif MaPrimeRénov’ Copropriété permet de financer jusqu’à 25% du montant des travaux, dans la limite de 15 000 euros par logement. Les copropriétés les plus fragiles peuvent bénéficier d’aides supplémentaires de l’ANAH.
Malgré ces aides, le reste à charge pour les propriétaires reste souvent élevé. Selon la FNAIM, le coût moyen d’une rénovation complète pour passer d’une étiquette F ou G à D est estimé entre 40 000 et 70 000 euros. Un investissement conséquent mais nécessaire pour se conformer aux nouvelles réglementations et valoriser son bien sur le long terme.
L’impact sur le marché immobilier
Ces nouvelles réglementations ont déjà un impact significatif sur le marché immobilier. Les biens classés F et G, qui représentent environ 17% du parc immobilier français, subissent une décote croissante. Selon une étude des Notaires de France, la décote peut atteindre jusqu’à 15% pour un logement classé G par rapport à un bien similaire classé D.
Les acheteurs sont de plus en plus attentifs à la performance énergétique des biens, conscients des futures obligations de travaux. Les banques intègrent également ce critère dans leur analyse des dossiers de prêt immobilier. Certains établissements refusent même de financer l’achat de passoires thermiques sans projet de rénovation.
Du côté de la location, le marché se tend dans les grandes villes où les logements énergivores sont nombreux. À Paris, où 26% des logements sont classés F ou G, certains propriétaires préfèrent vendre plutôt que d’engager des travaux coûteux. Cette situation pourrait accentuer la pénurie de logements locatifs dans les zones tendues.
À l’inverse, les biens rénovés ou performants énergétiquement (classés A, B ou C) voient leur valeur augmenter. Ils sont plus attractifs pour les acheteurs et les locataires, soucieux de maîtriser leurs charges énergétiques. La rénovation énergétique devient ainsi un véritable argument de vente et de location.
Les nouvelles réglementations pour les logements classés F et G marquent un tournant dans la politique de rénovation énergétique en France. Avec des interdictions de location progressives, des obligations de travaux pour les copropriétés et un gel des loyers, les pouvoirs publics mettent la pression sur les propriétaires de passoires thermiques. Ces mesures, combinées aux aides financières renforcées, visent à accélérer la transition énergétique du parc immobilier français. Si le défi est de taille, avec près de 5 millions de logements concernés, l’enjeu est crucial pour atteindre les objectifs climatiques et améliorer le confort des occupants. Propriétaires, locataires, professionnels de l’immobilier : tous les acteurs du marché doivent s’adapter à cette nouvelle donne qui redessine le paysage immobilier français.